Chroniques - Facilities, site du Facility management Chronique

  • Crise sanitaire : le coût caché de la restauration livrée*

    Elisabeth Laville Fondatrice cabinet conseil en DD, Utopie

    Elisabeth Laville - Facilities, site du Facility management

    Depuis plus d’un an, les restaurants subissent de plein fouet la crise sanitaire et économique – et vivent au rythme des fermetures successives imposées par l’évolution de la pandémie.
    Parmi les solutions déployées pendant la crise, la livraison représente une bouée de sauvetage salutaire. Déjà en croissance avant 2020, le chiffre d’affaires de la livraison dans la restauration représente aujourd’hui 4,9 milliards d’euros de CA, soit 47% de croissance en 2 ans selon Food Service Vision. Dans ce paysage, les plateformes de livraison règnent évidemment en maîtres, mais à quel prix ?
    Sur le sujet du modèle économique et de la répartition de la valeur, on connaissait déjà le coût social caché de ces plateformes : libertés avec le code du travail, rémunération à la course et baisses récurrentes de leur prix, management déshumanisé et dicté par l’algorithme, précarité liée au statut d’auto-entrepreneur sans promotion d’un travail indépendant de qualité (avec couverture sociale, formation, progression, association aux décisions…), etc.
    Mais la crise a accentué le phénomène et davantage invisibilisé les livreurs, en même temps qu’elle a boosté le développement des dark kitchens – ces cuisines professionnelles exclusivement destinées à la livraison de repas, avec des conditions de travail en cuisine littéralement obscures…
    Pourtant, les défauts du système sont autant d’opportunités pour les acteurs qui voudraient se différencier. Ainsi, Just Eat qui externalisait sa flotte de fournisseurs comme toutes les autres plateformes de livraison de repas, a choisi d’embaucher des livreurs en CDI dans plusieurs villes de France. De son côté, Big Mamma (groupe de 12 restaurants certifié BCorp) a fait du lancement de sa « dark kitchen » Napoli Gang l’occasion d’affirmer un peu plus ses ambitions sociétales et environnementales.
    L’opportunité est non moins belle pour de plus petits acteurs qui tentent de bousculer le secteur en mettant l’éthique au cœur de leur modèle – une tendance accélérée par la crise sanitaire actuelle. Mais sans évolution de la réglementation, difficile pour eux de se faire une place dans un paysage ultra-concurrentiel dominé par une poignée d’acteurs.
    En attendant une montée en puissance de ces alternatives et une réglementation qui peine à arriver en France, les clients peuvent prendre part à ce changement en modifiant leurs habitudes de consommation.