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  • La Plasticité organisationnelle : Nouveau Buzz-word ou un vrai concept éclairant ?

    Delphine Minchella et Solène Juteau PhD, enseignante-chercheure, EM Normandie

     Delphine Minchella et  Solène Juteau - Facilities, site du Facility management

    Des termes issus de la recherche, notamment en sciences de gestion, sont repris par la presse généraliste pour décrire des phénomènes organisationnels, sans pour autant en expliquer le fonctionnement sous-jacent. Qu’en est-il de la plasticité organisationnelle ? Et comment éclaire-t-elle la résistance face au « Return to Office » ? 

    Agilité, flexibilité, élasticité, et, plus récemment, de plasticité ont émergé ces dernières années pour souligner le besoin croissant d’adaptation des entreprises dans un environnement toujours plus imprévisible et risqué.

    Mais qu’entend-on par plasticité ?

    Issu du grec ancien, le terme signifie « apte à être modelé ». D’abord utilisé dans le domaine des Beaux-Arts pour désigner la capacité d’un matériau — historiquement la cire — à prendre n’importe quelle forme, il a ensuite été repris en physique pour décrire l’aptitude d’un matériau à subir une déformation permanente sans se rompre. Elle ne peut se confondre avec l’élasticité qui suggère un retour à la forme initiale après une déformation.

    Plus récemment encore, les sciences médicales, notamment la neurologie, s’en emparent pour définir la plasticité cérébrale comme la capacité du cerveau à réorganiser ses fonctions après un traumatisme, afin de continuer à assurer les fonctions vitales. Une transformation vitale s’est opérée et reste en place.

    Le Covid, déclencheur de plasticité

    C’est précisément ce qui s’est produit avec la pandémie. Les entreprises ont dû redéfinir leurs fonctionnements dans l’urgence. Et, à mesure des allers-retours des confinements, ces ajustements se sont imposés comme nouvelles normes, donnant lieu à des accords écrits, négociés avec les syndicats. Les pratiques et savoir-faire évoluaient de concert, les outils technologiques également, avec des mises à jour régulières.

    Aujourd’hui, quand les directions annoncent le retour au bureau, elles se heurtent à des résistances qu’elles peinent à anticiper et comprendre. Nos recherches ont montré une « cristallisation » : les nouvelles pratiques ayant donné lieu à une telle plasticité – apprentissage, montée en compétences ultra-rapides – se sont rigidifiées. Les cadres et employés ont adopté des modes de fonctionnement qu’ils ne souhaitent plus abandonner.

    Vouloir revenir « comme avant » revient à ignorer cette plasticité. Contrairement à un élastique, l’organisation transformée ne peut redevenir ce qu’elle était sans risquer la fracture. Ce qui nous amène à des échanges très tendus, opposant avancées sociales à d’autres impératifs.